« On est ruinés, ça y est ! » Le 16 octobre, c’est en prononçant cette phrase provocatrice, allusion aux 720 millions d’euros investis pour la modernisation des relations intercités entre Paris et la Normandie, que le président de cette région, Hervé Morin, a coupé un ruban symbolique devant l’Omneo Premium de Bombardier, destiné à assurer ces relations. Outre la mise en service, prévue en janvier 2020, de ce nouveau train à deux niveaux, la modernisation en question est assortie de l’adaptation des moyens de maintenance à ce matériel roulant. Accompagné d’une centaine de Normands, dont Jean-Baptiste Gastinne, Vice-président en charge des transports, des élus, des agents SNCF et des représentants d’associations d’usagers, Hervé Morin avait fait le déplacement jusqu’au site de Crespin (Nord), où il a été reçu par Laurent Bouyer, président de Bombardier Transport France.
Moins de deux ans après la signature du contrat de la convention relative au financement de 40 Omneo Premium, le 24 novembre 2016 à l’atelier de maintenance SNCF de Sotteville-lès-Rouen, le président de la région Normandie pouvait enfin prendre les commandes de « son » nouveau train, le temps d’un aller et retour sur la voie d’essais du site de production français de Bombardier. Restent maintenant quatorze mois avant la mise en service des premières rames Omneo Premium sur les lignes Paris – Caen – Cherbourg (4,2 millions de voyageurs par an) et Paris – Rouen – Le Havre (5,5 millions de voyageurs par an), actuellement assurées par des rames Corail, V2N ou TER 2N NG.
Ces liaisons seront les premières assurées par l’Omneo Premium, version « intercités » apte à 200 km/h du Regio 2N de Bombardier. Une deuxième tranche de 32 Omneo Premium a été commandée par la région Centre-Val de Loire et une troisième, de 19 unités pour les Hauts-de-France, fait l’objet d’une délibération par la région, avant leur commande formelle par SNCF. Ces tranches sont incluses dans l’accord-cadre des Regio 2N, qui atteint actuellement un cumul de 382 rames (dont 185 en service) et garantit une production jusqu’en 2022, voire 2023 avec les options. Rappelons que le contrat de février 2010 portait sur un maximum de 860 trains…
Se distinguant des versions « cœur de cible » par son confort en principe équivalent à celui des Corail, l’Omneo Premium ne sera pas la première version du train à deux niveaux de Bombardier à atteindre 200 km/h. En effet, c’est déjà le cas de la version V200 du Regio 2N, mise en service le 9 juin dernier sur les relations Interloire entre les Pays de la Loire et le Centre Val-de-Loire. Toujours est-il que le passage de 160 km/h à 200 km/h a nécessité quelques adaptations, les plus visibles étant les amortisseurs intercaisse et antilacet sur tous les bogies, ainsi que les barres de renfort verticales dans les salles voyageurs, pour augmenter la rigidité des caisses. L’acoustique a également été améliorée, même s’il est « difficile de faire mieux qu’une voiture tractée », comme le reconnaissent les responsables du projet à Bombardier Transport. C’est ainsi que les salles voyageurs sont éloignées ou séparées, par des portes de salle ou des cloisons, des sources de bruit telles les portes d’accès, les toilettes ou les équipements de traction (présents uniquement en toiture des caisses courtes), alors que les intercirculations sont à double peau et que la moquette, ainsi que les garnissages, jouent un rôle absorbant. Restent, comme point commun avec les Regio 2N, les portes d’accès doubles, au nombre de dix par côté au total, soit autant que les portes simples sur un train Corail de longueur équivalente. Plus larges et de plain pied, les accès de l’Omneo Premium offrent une meilleure accessibilité que les Corail, en particulier pour les PMR, qualité qui devrait permettre d’accélérer les échanges en gare… et de réduire les temps d’arrêt, ce qui devrait se répercuter sur le parcours total. Cette meilleure accessibilité se retrouve tant entre le quai et le véhicule qu’à l’intérieur de ce dernier, « sans rampe ni estrade », comme le précise Emmanuel Cacheux, directeur de projet Bombardier Transport (faisant sans doute allusion au Régiolis). Un autre élément qui devrait contribuer à garder une performance au moins équivalente à celle d’un train Corail est la motorisation d’un quatrième bogie (les Regio 2N ont trois bogies moteurs), permettant une accélération initiale de 0,6 m/s2 (au lieu de 0,5 m/s2), pas très élevée pour une rame automotrice mais acceptable par rapport à une rame tractée.
Parmi les invités de la cérémonie du 16 octobre figurait Patricia Bastard, directrice associée de l’agence Yellow Window, qui a signé le nouveau design intérieur des rames « extra-longues » de 135 m, dont la composition fait alterner cinq caisses longues à deux niveaux et quatre caisses courtes dotées de deux portes d’accès doubles (ouvertures de 1 300 mm), plus une caisse d’extrémité à une porte d’accès PMR double (ouverture de 1 600 mm). Située en 1ère classe, cette dernière regroupe les équipements PMR, dont un cabinet de toilettes UFR à proximité du local ASCT. Les six autres toilettes de la rame se répartissent en trois groupes de deux, implantés dans trois des quatre caisses courtes. La 1ère classe se poursuit sur une caisse longue et un bout de la caisse courte adjacente, le reste de la rame étant en 2eclasse, où une des caisses courtes est dévolue à l’espace services, avec machine à café (dont les invités ont pu vérifier le fonctionnement), bar doté de prises de courant pour recharger les objets connectés et trois crochets pour vélos (« seulement », se sont étonnés les représentants des usagers, mais tel était le choix de la région). Sans oublier les poubelles permettant le tri sélectif
Eléments majeurs du design intérieur, les sièges inclinables ont été spécifiquement développés pour l’Omneo Premium par Yellow Window et leur fabricant, Compin, dont l’ancrage normand a été maintes fois souligné lors de la signature du contrat en 2016. Ces sièges, qui se distinguent de ceux des autres trains par leurs accoudoirs individuels en 2e classe, sont dotés de prises 220 V et USB, d’un repose-pieds escamotable et d’un appuie-tête enveloppant, qui contient la liseuse individuelle et l’appuie-main, ainsi qu’une cavité appelée « plumier ». L’ensemble est complété par une tablette et une poubelle de 1,5 litre, qui par son implantation entre sièges ne prend pas trop de place (tout en restant accessible). Au-dessus des sièges, sur le bord extérieur de porte-bagages, un affichage dynamique précise sur quelles sections du trajet les places sont réservées.
En 1ère classe, les sièges sont disposés en 2+1 avec un pas de 950 mm en file et de 2 050 mm en vis-à-vis, alors qu’en 2e, les sièges sont plus serrés en largeur (en 2+2) et longitudinalement (pas de 875 mm en file et de 1900 mm en vis-à-vis). Implantés entre les portes d’accès et les intercirculations dans les caisses courtes, plus hautes de plafond, les compartiments de travail en 1ère classe (à deux sièges en vis-à-vis et emplacements pour poser des documents) ou familles en 2e (carrés de deux fois deux sièges en vis-à-vis), délimités par des cloisons à mi-hauteur simili-bois, seront sans doute très recherchés ! Toutefois, « le siège du Corail offre un confort inégalé », reconnaît un responsable du projet Omneo Premium, qui estime que le nouveau siège serait « plutôt équivalent à celui du TGV ».
Au total, l’aménagement offre 427 places assises (59 en 1ère classe plus 368 en 2e), ainsi que 78 strapontins au total. Soit 505 places ou strapontins par rame, c’est-à-dire 1 010 par unité double, 40 % de plus que les 720 places des rames Corail actuelles entre Paris et la Normandie, limitées à 10 voitures par les longueurs de quais. De plus, 80 litres de bagages ont été prévus par personne dans les espaces prévus à cet effet, implantés près des places assises et de façon à ne pas bloquer les passages.
L’Omneo Premium intègre les systèmes d’information voyageurs les plus récents (afficheurs LED répartis dans la rame, avec indication du numéro de voiture, et écrans TFT dans les salles voyageurs) tout en offrant le Wifi, ce qui n’a pas été neutre question câblage…
Pour obtenir les autorisations de mise en exploitation commerciale (AMEC) fin décembre 2019 puis les autorisations de circulation, pour janvier 2020 en unités simples et mai 2020 en unités doubles, trois trains d’essais sont nécessaires. Aménagé a minima, afin de faciliter l’accès à tous les composants mécaniques et électroniques, ainsi qu’aux réseaux informatiques, et permettre des ajustements, le premier train a permis de débuter les essais entre Caen et Cherbourg entre fin août et mi-octobre. Jusqu’en juin prochain, ce train fera l’objet d’une série d’essais sur le réseau ferré national pour valider l’endurance des freins et s’assurer de la bonne compatibilité du matériel avec les infrastructures. Très largement aménagé, le deuxième train d’essai est celui qui a été présenté le 16 octobre à la délégation normande, avant de partir le lendemain pour Velim (République Tchèque), où il est testé sur l’anneau d’essai jusqu’en février prochain. Enfin, le troisième train d’essai restera à Crespin jusqu’en février pour une série d’essais fonctionnels sur les équipements intérieurs (portes d’intercirculation, système d’information voyageurs, sonorisation etc.). Ce train servira également de plateforme de test pour la maintenance. Puis, à partir de mars prochain, ces trains d’essais formeront des unités doubles pour des essais à Crespin, à poursuivre sur le réseau ferré national jusqu’en juin. Soit six mois avant le transfert des relations intercités entre Paris et la Normandie à cette région, date symbole pour laquelle les premiers Omneo Premium se doivent d’être prêts.