Construite à plus de 350 exemplaires, cette petite locomotive à vapeur robuste et bien conçue a beaucoup servi sur le front, notamment en Salonique. L’exemplaire exposé aux Invalides, a même été utilisé après la guerre dans une mine serbe. Et rejoindra bientôt «le Tacot des lacs».
Au pied des Invalides, on dirait une loco lilliputienne. Comique avec ses deux cheminées, elle évoque un gros jouet tout droit sorti de Toy Story. Elle n’est pas là pour faire sourire les gamins mais pour rappeler l’engagement de la Serbie sur le front des Balkans aux côtés des Poilus d’Orient. C’est un des deux derniers exemplaires de ce modèle de loco militaire dit Péchot-Bourdon du nom de ses deux concepteurs français. Une légende produite à 356 exemplaires.
Cette loco baptisée Kostolac – du nom de la ville minière serbe où elle fut réaffectée jusqu’en 1950 – a débuté sa carrière sur le front d’Orient en 1916 et a ainsi participé à la percée du front de Salonique et à la victoire des Poilus d’Orient et de leurs alliés serbes en septembre 1918 soit deux mois avant l’armistice du front occidental. La « Kostolac » a quitté le Musée du chemin de fer de Pozega en Serbie pour rallier Paris par convoi spécial à l’initiative de l’association « le Tacot des lacs » qui devrait l’exposer ultérieurement dans son musée de Grez-sur-Loing.
La Péchot-Bourdon serbe a été d’un sérieux réconfort pour Dragan Djokic et les membres de « l’Association des Anciens Combattants Serbes de la Guerre 14-18 de Belgrade ». Chaque année, ils font le voyage afin de célébrer le 11 novembre sous l’Arc de Triomphe et raviver la flamme de l’alliance franco-serbe. À chaque fois, depuis François Hollande, Dragan avec son calot et son drapeau serre la main du Président de la République.
Ce centenaire de l’Armistice aurait dû être l’acmé de leur quête mémorielle. Il fut ressenti comme un affront infligé à la Serbie. Lors de la cérémonie sous l’Arc de Triomphe, le président serbe, Aleksandar Vucic, a été en effet placé dans une tribune annexe alors qu’Hashim Thaçi, son homologue du Kosovo, État jeune et non reconnu par une partie de la communauté internationale (115 pays l’ont reconnu), était assis dans la tribune principale derrière les présidents Macron et Poutine. Difficile à supporter pour une Serbie, alliée indéfectible de la France durant la Grande Guerre qui perdit un tiers de sa population et qui refuse de reconnaître l’indépendance du Kosovo qu’elle considère comme le coeur historique de la nation. L’ambassadeur de France à Belgrade a eu beau exprimer ses regrets, l’émotion a été intense en Serbie. Chez les Ottomans, l’auteur d’une telle faute protocolaire aurait sans doute connu le pal… Une chose est sûre. Il n’est pas sûr qu’on revoit de sitôt la petite loco serbe dans la capitale française. De quoi, vraiment, comme disent les jeunes en verlan, « pécho le bourdon »….
Le capitaine Prosper Péchot (1849-1928) imagina avec l’ingénieur Charles-Alexandre Bourdon un ensemble de matériels roulants destinés aux places fortes à partir de 1888. Avec la guerre de 14 et ses tranchées les locomotives – évoluant sur voies étroites (60 cm) – seront utilisées pour approvisionner le front. Compacte et articulée pour négocier des courbes de jusqu’à 20 m de rayon, la Péchot-Bourdon possédait une bonne stabilité sur sols dégradés en raison d’un centre de gravité très bas. Sa chaudière double à foyer central permet à l’eau d’être toujours présente au-dessus du feu dans les pentes et améliore sa robustesse en cas de dommages.
Fiche technique
Poids à vide : 10 tonnes
Poids en charges : 14 t
Longueur : 6,15 m
Largeur : 2 m
Hauteur : 3,1 m
Contenance soute à charbon : 600 kg
Autonomie : 8 h/22,5 km