Début mai s’est tenu à Ankara le congrès mondial de la grande vitesse UIC Highspeed. Dans un climat marqué par l’extraordinaire poussée de la Chine. Ce qui n’empêche pas des acteurs industriels européens comme Alstom et CAF de croire en leurs chances, en misant sur une bonne combinaison de la performance technique et de la pertinence économique.
La grande vitesse est passée de mode en France. Le discours d’Emmanuel Macron le 1er juillet a sonné le glas. Au Japon, il y a trente ans la dette due aux investissements dans le Shinkansen a conduit à un démantèlement de Japanese National Railways. En France, ça ne va pas si loin, mais la remise en cause est profonde. Bizarrement, l’Espagne semble y échapper. Le réseau à grande vitesse espagnol atteint 3 200 km, contre 2 000 en France, mais le trafic est dérisoire : 20 millions de passagers annuels, soit quatre fois et demie moins que la SNCF, sans compter Thalys ni Eurostar. Quoi qu’il en soit, dans les grands pays pionniers, l’élan semble un peu coupé. Dans le monde entier cependant, la grande vitesse avance. Un peu partout, assez lentement, assez sûrement. Sauf dans un pays où ça va très vite…
Les deux tiers du réseau mondial à grande vitesse sont chinois
Seul un pays va à pas de géant. La Chine. Et encore, ça ne va pas aussi vite qu’elle le voudrait. Cette année, elle ne devrait ouvrir qu’à peine plus de 1 000 km. Les premiers trains à grande vitesse chinois – décalqués des Velaro de Siemens – ont commencé à circuler il y a dix ans pour les Jeux olympiques, entre Pékin et Tianjin. Depuis ses débuts dans la grande vitesse ferroviaire, la Chine a construit environ 2 000 km de LGV par an. Elle dispose aujourd’hui d’un réseau de 25 000 km de lignes à grande vitesse, environ les deux tiers du total mondial. Un tiers du réseau chinois à grande vitesse est conçu pour les 350 km/h. Un expert français résume : « La Chine est en train de griller tout le monde. On peut dire qu’ils n’ont pas encore notre REX, qu’ils veulent encore apprendre… Certes. Mais il n’y a aujourd’hui dans le monde rien de comparable à ce qui se passe en Chine ».
Les points forts ? Les trains Fuxing, nouvelle génération de trains à grande vitesse entièrement chinois, mis en service en juin 2017, circulent à une vitesse commerciale de 350 km/h. Cela ne se fait nulle part ailleurs.
Les Chinois ont un projet de train à grande vitesse automatique pour les Jeux Olympiques d’hiver de 2022. Les marches à blanc vont commencer dès septembre 2019. Ils ne vont pas s’en tenir là. Ils préparent une nouvelle génération de Fuxing à 400 km/h. Des expérimentations de Maglev ont été couronnées de succès, pour un Pékin – banlieue, type RER. Et, pour les longues distances, un Maglev à 600 km/h devrait être prêt d’ici 2030. Ce train à sustentation magnétique serait comme un Concorde pour les cadres supérieurs. Le train à grande vitesse, lui, est destiné au plus grand nombre et fait l’objet d’un grand engouement populaire.
Le rétablissement a été parfaitement réussi, depuis l’accident de Wenzhou, en 2011 (40 morts). Jean-François Doulet, spécialiste à la fois de la Chine et des questions d’urbanisme et de transports, nous disait alors : les Chinois vont faire une pause ; l’accident va leur faire perdre quelques années ; mais ils ne changeront pas de cap et ils deviendront les leaders mondiaux de la grande vitesse. Après la catastrophe de Wenzhou, ils ont limité la vitesse à 300 km/h sur tout le réseau. Le 21 septembre 2017, le train Fuxing, mis en service trois mois plus tôt entre Pékin et Shanghai, a vu sa vitesse relevée à 350 km/h.
Après la période des transferts de technologie auprès de Siemens, Kawasaki, Alstom ou Bombardier, les Chinois font aujourd’hui tout tout seuls. Plus de 1500 ingénieurs travaillent dans la construction des trains à grande vitesse. L’influence de la Chine dans les normes internationales ferroviaires est de plus en plus forte. Le projet de LGV Bandung – Djakarta comme celui d’une ligne Chine – Thaïlande sont conçus selon les principes chinois. Hors des frontières toujours, ils étudient en ce moment un système d’essieux à écartement variables, permettant aux trains à grande vitesse de poursuivre leur route en Russie.
On les voit sur l’appel d’offres pour la LGV Kuala Lumpur – Singapour, ou sur Delhi – Chandigarh. Comme disait en mars Lu Dongfu, directeur général de China Railway Corp, « le pays va donner une portée mondiale à ses standards technologiques dans la grande vitesse, afin de “booster“ le potentiel des trains Fuxing sur le marché mondial ». À suivre. Si on y arrive…