Depuis le 13 décembre, le Francilien assure un service régulier, mais limité, dans la banlieue nord de Paris. Pour ses voyageurs comme pour les agents SNCF, l’arrivée de ce nouveau train ne laisse pas indifférent, et pour cause…
Plus de deux mois se sont écoulés depuis le voyage inaugural du Francilien sur la ligne H, entre Paris-Nord et Luzarches. La mise en service commercial de ce nouveau « train du quotidien » aux aménagements peu ordinaires s’effectue en douceur. Car, pour l’heure, les deux rames qui passent la nuit au site SNCF des Joncherolles permettent d’assurer trois allers et retours aux heures creuses du jour, sur une ligne traversant l’ouest de la banlieue nord avant de finir sur un bout de voie unique dans un environnement resté rural. Et même si les conditions d’exploitation sont celles d’un « vrai » train, avec horaire cadencé (départs de Paris à 10h06, 12h06 et 14h06) et voyageurs, on ne peut pas tout à fait parler de baptême du feu : il n’y a pas vraiment foule dans cette rame à grande capacité, sauf peutêtre au sud de Sarcelles en fin de matinée ou encore les samedis après-midi. Mais que ce soit pour les voyageurs ou les agents SNCF qui se familiarisent avec ce nouveau train produit par Bombardier, le saut qualitatif est énorme par rapport aux rames Z 6100 (les fameux « petits gris ») d’il y a quarante ans ou aux Z 20500 à deux niveaux (Z2N) qui sillonnent la banlieue nord.
Pour les voyageurs qui ont la chance d’être de ces circulations, ce sont évidemment les nouveaux aménagements du Francilien qui changent. Adieu les banquettes de skaï orange et les panneaux de formica jaunâtre des « petits gris
», et le confort minimal des Z2N. Dans le nouveau train règnent la lumière et l’espace. Les portes d’accès sont larges, tout comme les intercirculations entre caisses. Pour les personnes à mobilité réduite (PMR), l’accessibilité est assurée d’un bout à l’autre de la rame (côté quais, les travaux ont été faits dans quatre gares de la ligne H). Les éclairages, les hautes baies vitrées et les sièges colorés créent une ambiance inédite, complétée par les messages sur écrans et les informations diffusées par les bandeaux installés autour des plateformes. Moins visibles, le chauffage par le sol et la climatisation fonctionnent « intelligemment » en fonction du nombre de voyageurs. Et, côté sécurité, les caméras de vidéo- protection (on disait auparavant « vidéosurveillance ») ne se cachent pas, alors que le signal d’alarme est remplacé par un interphone en communication avec la cabine de conduite. Pour les agents, ceux qui assurent la conduite dans une cabine aux aménagements ergonomiques, la maintenance, le contrôle des titres de transport ou la sécurité, l’arrivée du Francilien représente tout d’abord des cycles ou des séances de formation. Et ce nouveau matériel, côté coulisses, va entraîner de grands changements. Et d’abord dans l’organisation même du Technicentre de Paris- Nord, dont le site des Joncherolles va prendre de l’ampleur, aux dépens du site parisien de La Chapelle, qui fermera ses portes avec la disparition des « petits gris ».
En cabine
« C’est comme un vélo ! »
Une neige légère tombe sur la banlieue nord, ce mardi matin de février. Pas de quoi arrêter le Francilien, bien au contraire. L’attelage Scharfenberg de la Z 50018 a été protégé par une housse lorsque la rame était garée au site des Joncherolles et, tranquillement, le train tout en rondeurs gagne la voie 31 de la gare du Nord, dont le quai a été rehaussé l’été dernier pour accueillir les voyageurs du départ de 10h06. Cendrine Jeannot, qui fait partie des 15 à 20 conducteurs formés pour la conduite des trains Francilien, dans un premier temps, est aux commandes du manipulateur de traction et de freinage, dont l’ergonomie, comme celle de la cabine de conduite en général, est « mieux adaptée que sur les autres matériels roulants SNCF de banlieue pour les cycles répétitifs entre gares rapprochées ».
À hauteur des yeux, de petits écrans implantés à gauche du pupitre de conduite s’allument alors que le train s’immobilise à chaque gare, affichant en cabine les portions de quai filmées par les caméras au sol et transmises par les antennes placées entre les rails.
Sur les quais, l’arrivée du Francilien laisse également des traces : l’avant des rames est signalé par un nouveau repère, portant les mentions Z 50-1 ou Z 50-2, selon qu’il concerne une unité simple ou double de Z 50000, la désignation officielle du Francilien. De plus, sur les quais rehaussés de Paris-Nord, Groslay, Bouffémont et Luzarches, qui offrent une accessibilité totale aux PMR, les accès de la rame dotés de comble-lacune sont également signalés, au sol et par panneaux.
Sur l’extrémité à voie unique de la ligne H, l’antipatinage et les anti-enrayeurs du Francilien, alliés à la motorisation répartie, font merveille sur les courbes et les rampes. En particulier si l’on compare les performances du nouveau train avec les autres matériels en service : « en présence de feuilles mortes ou de neige, on roule à 80 km/h là où les autres matériels ne dépassent pas le 40 ».
L’accélération et le freinage sont beaucoup plus rapides que sur les autres trains, ce qui permet de faire l’heure plus facilement. Le train fonctionne en conditions normales à 80 % de la motorisation totale mais, lorsque la puissance maximale est demandée, ses performances sont encore améliorées. Ce réglage décidé par le conducteur permet d’accélérer plus vite et cette réserve de puissance peut suppléer aux éventuelles défaillances de certains moteurs de traction.
Autre nouveauté importante, la vidéo est « une aide ». Sans transformer pour autant le conducteur en policier, elle le place en « premier témoin ». Et, en tout cas, permet des rappels à l’ordre immédiats : gare au voyageur en train de fumer ou de mettre ses pieds sur les sièges !
Être aux commandes de ce nouveau matériel « plus adapté à la banlieue que les autres » ? « Un régal », juge André Pedebidou. « C’est comme un vélo », conclut ce conducteur qui sait de quoi il parle puisqu’il est un des 18 agents du pôle appui Transilien et peut assurer toutes les tâches de traction sur le matériel d’Île-de-France.
Au Technicentre de Paris-Nord
« Une révolution. »
« Ce train est révolutionnaire en termes de confort pour les voyageurs, mais côté maintenance nous avons aussi un seuil à franchir en termes de compétence, notamment en matière d’électronique à bord et d’informatique embarquée. Cependant, on n’y a pas mis de dispositifs complètement nouveaux à éprouver : normalement, tout marche… » Laurent Fréchède est directeur du Technicentre de Paris-Nord, dont fait partie le site de Joncherolles au sein de l’unité de production IDF (300 agents en tout sur deux sites et trois sites satellites). Pour lui, accueillir 72 rames Francilien ne se résumera pas à un saut technologique, mais à une réorganisation totale.
Tout en continuant d’assurer les visites d’un ou deux jours du matériel roulant de la ligne H du Transilien et du RER D, principalement des Z2N (Z 20500 et 20900), ainsi que la maintenance et le garage de matériels de banlieue ou du TER Picardie, Joncherolles a déjà entamé sa transformation. « Nous avions trois voies intérieures pour 100 trains de banlieue. Ce qui était assez peu mais, pour passer à 160 rames, ça ne suffisait plus. Il fallait doubler les installations », résume le directeur d’établissement. En effet, « au fur et à mesure que les rames Francilien vont arriver, le matériel le plus ancien – “petits gris”, locomotives et voitures – sera radié : Joncherolles grossira alors que Chapelle baissera ; ainsi, dans deux, trois ans, nous serons à pleine capacité. Alors Chapelle fermera. » Pour l’heure, seules deux rames Francilien sont présentes à Joncherolles, où des Algecos abritent également une équipe détachée par le constructeur
Bombardier. Ces rames bénéficient d’une attention particulière, en commençant par leur aspect extérieur. « Il faut s’assurer qu’elles restent belles », souligne Laurent Fréchède. « Ce que nous redoutons, ce sont les tags ; normalement, la peinture et le pelliculage extérieurs sont de nature à les empêcher d’adhérer aux parois. » Les nouvelles rames, qui sont surveillées lorsqu’elles sont au garage, « n’ont pas été trop dégradées en journée », selon lui.
« C’est rassurant et un peu surprenant. » Tout au plus, « nous avons dû remplacer deux ou trois sièges maximum et nous avons eu deux gravages de vitre ». Pour l’instant, « les rames plaisent et personne ne s’est encore amusé à les dégrader », conclut Laurent Fréchède. « Pourvu que ça dure ! »
Cet article est tiré du numéro 3888 de La Vie du Rail.
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Construites depuis 2009 par Bombardier Transport (maintenant Alstom) à Crespin, les Z 50000 (nom technique), également appelées Francilien (marque commerciale), ou NAT (nom de projet, pour « Nouvelle Automotrice Transilien »), sont des unités multiples électriques (de 7 ou 8 caisses articulées) afin d’équiper en Île-de-France, les lignes de banlieue du réseau Transilien, au départ de la gare de l’Est, de la gare Saint-Lazare et de la gare du Nord.
Ces rames innovatrices et modernes qui ont une puissance continue de 2620 kW (environ 3514 ch), sont capables d’atteindre une vitesse maximale de 140 km/h.
Début juin 2022, 347 des 360 exemplaires commandés sont livrés. Ils sont gérés par trois supervisions techniques de flotte (STF): Les Joncherolles, Noisy-le-Sec, Levallois et Le Val Notre-Dame.