Témoignage très rare, sinon unique, de l’aménagement et du mobilier originels des grandes gares, un exceptionnel ensemble Art Déco délogé de la gare de Limoges-Bénédictins et sauvé de justesse dans les années 1970, doit être restauré et réinstallé dans le hall central. Le public est invité à contribuer à redonner vie à ce chef-d’œuvre.
Exceptionnelles, les boiseries et les mosaïques du mobilier Art Déco de la gare de Limoges-Bénédictins ! Miraculeusement sauvées lors du réaménagement de la gare en 1978 et préservées clandestinement pendant plus de quarante ans (lire LVDR n° 3828), elles vont être restaurées et réinstallées dans le hall central de la gare… en partie grâce à vous !
A l’approche du centenaire de la gare, l’association du musée Historail, situé à Saint-Léonard-de-Noblat, et la Drac Nouvelle-Aquitaine, aidées par SNCF, ont lancé un appel à la générosité publique (Prenez votre billet pour 1929 ! (helloasso.com), pour financer la rénovation de cet ensemble décoratif.
Confiés à l’entreprise Blanchon, labellisée Entreprise du patrimoine vivant (EPV), les travaux de restauration des boiseries devraient durer un an. « Chaque contribution sera directement mobilisée pour la restauration de ce trésor historique. En faisant un don en ligne à partir de 5 €, en quelques secondes seulement chacun devient un mécène 2.0…», résume Florence Brachet-Champsaur, chef du service Patrimoine et Mécénat SNCF.
Ce mobilier des années 1920, inscrit aux monuments historiques, se compose de boiseries en bois exotique enchâssant une grande carte touristique peinte sur toile, des mosaïques et des fresques en porcelaine émaillée au dessin très nouveau. Les boiseries ont été dessinées par l’architecte du PO, Louis Brachet, qui signa également les gares de Néris-les-Bains, de Gentilly et de la Cité universitaire à Paris. « Elles apportent une touche de modernité à la fois par leur dessin et par le bois exotique choisi, de l’iroko venu d’exploitations forestières en Afrique qui appartenaient à la compagnie ferroviaire du Paris-Orléans et à laquelle la SNCF a succédé en 1938 », raconte Jacques Ragon, président du musée Historail.
« Elles mesurent 6,35 mètres de haut et 5 mètres de large. Ne pouvant être dressées dans l’atelier de Blanchon, elles ont dans un premier temps été présentées à plat. Malgré cela, leur majesté a impressionné les personnalités présentes. Leurs dimensions, leur géométrie, le relief des colonnes, le chapiteau en font un très bel échantillon de l’époque Art Déco… Le garde-corps d’origine, en fer forgé, est en parfait état », se réjouit Jacques Ragon. La carte, peinte à l’huile sur toile, était insérée dans les boiseries.
Elle est la seule des deux cartes originelles à subsister. « Elle présente les ressources touristiques du Limousin. De grandes dimensions, elle est très belle, très explicite pour le voyageur », souligne Jacques Ragon.
« Elle est l’œuvre du maître verrier limougeaud Francis Chigot, qui a également dessiné tous les vitraux et les verrières de la gare avec son Atelier du vitrail. Outre son intérêt artistique et patrimonial, elle contribue à ancrer la gare dans son territoire. » « La carte présente un intérêt patrimonial certain», confirme Marie-Noëlle Polino, de SNCF Patrimoine.
« De plus, elle constitue un élément d’ancrage territorial auquel le public est sensible aujourd’hui. » Cette carte, qui est très fragile, sera restaurée par l’atelier À l’œuvre de l’Art. Les trois fresques (une grande et deux petites) en porcelaine du céramiste limousin Camille Tharaud, sont « très belles, car lumineuses et délicates », commente Marie-Noëlle Polino.
A elles trois, elles représentent un millier de carreaux de porcelaine grand feu, cuite à 1 400 degrés et donc inaltérable. Certains carreaux manquaient, mais fort heureusement, le calepinage a pu être refait sur ordinateur. Là encore, ce sont des entreprises locales et un artisan d’art, Couty et Art’s du feu, qui se chargent de la restauration de ces fresques et de la pose. « Ces éléments de décor ont été préservés grâce à la ténacité d’un cheminot, René Brissaud, aujourd’hui décédé. Amoureux du patrimoine, ce cheminot a décidé, malgré les ordres de sa hiérarchie, de détourner, avec son équipe, un wagon et d’acheminer clandestinement ces éléments jusqu’à Saint-Léonard-de- Noblat, à une vingtaine de kilomètres de Limoges », raconte Jacques Ragon.
Par ailleurs, à l’occasion de ces JEP, SNCF propose la visite de la rue souterraine de la gare, un lieu insolite , fermé depuis 1929 , et habituellement non ouvert au public. Le lieu a servi d’abri anti-aérien aux cheminots allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et en conserve les traces. C’est une belle occasion de (re) découvrir l’histoire de la gare de Roger Gonthier, ses structures innovantes et son décor exceptionnel.
De 10h à 12h et de 14h à 17h30, un départ toutes les 45 mn. Rendez-vous Quai A, gare de Limoges Bénédictins. Le musée Historail ouvrira ses portes au public et proposera la visite des ateliers Blanchon.
Pour rappel, la gare de Limoges-Bénédictins est inscrite aux monuments historiques depuis 1975.