En 1933, Bugatti construisait ses premiers autorails, appelés à faire une longue carrière sur les rails. Ce matériel révolutionnaire pour l’époque est né d’un coup de génie du constructeur automobile Ettore Bugatti, alors confronté à la crise économique. Explications.
En 1929, la crise économique née aux Etats-Unis se propage en Europe, entraînant la Grande Dépression qui frappera le monde pendant une décennie entière. Dans le Bas-Rhin, à Molsheim, l’usine Bugatti est au bord de la faillite. Son prestigieux modèle automobile, la Type 41 Royale, « une voiture de roi » proposée à un prix conséquent, ne remporte pas le succès commercial escompté et ne se vend pas. Les acheteurs potentiels se désistent… Alors que six Bugatti Type 41 Royale et 25 moteurs ont été produits dans l’usine, seules quatre voitures sont finalement vendues.
Mais que faire des moteurs huit cylindres en ligne qui sont déjà fabriqués… pour des voitures qui ne trouveront pas acquéreur ? Et comment donner du travail aux 600 ouvriers de l’usine ?
Ettore Bugatti a une idée de génie : développer un autorail qui fonctionne avec quatre moteurs huit cylindres en ligne de plus de 12 litres de cylindrée, pour une puissance de 200 CV par moteur. Une rencontre avec Raoul Dautry, patron des réseaux ferrés de l’Etat, en 1932, va lui permettre de concrétiser sa brillante idée. A l’issue de cette rencontre, Dautry, enthousiaste, lui commande un prototype d’un autorail rapide et puissant. Le projet est lancé et aboutit en neuf mois (seulement !) en 1933 : l’Automotrice WR (pour Wagon Rapide) Bugatti est née ! Face à des locomotives fonctionnant essentiellement à la vapeur, cet autorail est le summum de la modernité, ultrarapide et capable de monter à près de 200 km/h !
👉 Retrouvez l’article complet dans La Vie du Rail hebdo n°3950
Ces engins furent utilisés par les réseaux de l’État, de la Compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM), de l’Administration des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine (AL) puis par la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF). Néanmoins, l’exploitation est considérée rapidement comme trop coûteuse compte tenu de la très forte consommation des quatre moteurs, de la hausse du prix du carburant et d’une fiabilité imparfaite. La fin du retrait du service commercial a eu lieu en 1958.
Un exemplaire du Bugatti dit « Présidentiel » (car utilisé par le Président Albert Lebrun pour son déplacement à l’inauguration de la gare transatlantique de Cherbourg) est conservé à la Cité du train de Mulhouse. Cet autorail immatriculé ZZy 24408 à l’État puis XB 1008 à la SNCF est un ancien véhicule du parc de services où il assurait le contrôle du fonctionnement des signaux jusqu’en 1970, date de sa radiation.