Novatrans renoue avec les périodes noires. L’opérateur de transport combiné a annoncé le 28 janvier, lors d’un comité d’entreprise, qu’il allait supprimer 107 postes sur les 345 employés de l’entreprise. Le siège est particulièrement concerné, avec le départ d’une trentaine de personnes sur un effectif de 68. Depuis cette annonce, les réunions se succèdent avec les organisations syndicales pour préciser le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi qui doit être mis en place. Le calendrier s’étend jusqu’en avril, au rythme de deux réunions mensuelles.
D’ici là, la direction de Novatrans refuse de communiquer à l’extérieur, invoquant la crainte de se voir opposer un délit d’entrave par les syndicats, qui doivent être informés les premiers des problèmes de l’entreprise.
Selon José Grondein, délégué FO, le syndicat majoritaire à Novatrans, après un résultat un peu au-dessus de l’équilibre en 2007, les comptes ont plongé dans le rouge à la fin de l’année dernière, tournant autour de 6 millions d’euros de pertes. Novatrans a augmenté son capital, en le doublant, il y a tout juste un an, pour financer son développement. Malgré cette injection d’argent frais, l’entreprise a subi la conjoncture économique de plein fouet. « Le plan de transport n’a pas porté ses fruits. Lors de la présentation des comptes 2007, notre expert-comptable avait émis des doutes sur la stratégie mise en œuvre par la direction. Quand on se concentre sur quelques axes très forts et qu’il n’y a plus assez de trains, on laisse des clients sur le carreau, qui se détournent vers la route. La régularité laisse aussi à désirer. Enfin, RFF est aussi en cause car les sillons horaires que nous obtenons se sont nettement dégradés depuis quelques années », juge José Grondein. Selon lui, tous les centres d’exploitation sont touchés par les suppressions de postes. Il rappelle que le centre de Sète exploité par Novatrans a fermé en décembre après le départ du client principal, l’opérateur T3M, parti sur un autre centre à Avignon. Cause de ce départ : les sillons proposés peu performants et le service dégradé du tractionnaire, la SNCF. Dans le cadre du plan social, le centre parisien de Rungis devrait également fermer. « La question qui se pose maintenant est : comment en sommes-nous arrivés là ? Et comment allons-nous travailler avec les effectifs restants ? Les clients attendent un certain niveau de service. Si nous n’y arrivons pas, ils risquent de passer à la route, ce qui est paradoxal dans le contexte du Grenelle de l’environnement », estime le représentant de FO.
De son côté SUD Rail estime dans un communiqué que « l’entreprise est au bord du gouffre ». Le syndicat demande que la SNCF, principal actionnaire de Novatrans avec environ 39 % des parts, « assume ses ambitions, en affichant clairement ses objectifs ». Il rappelle que ce plan social intervient dans un contexte de « guéguerre » entre les actionnaires. Ces derniers mois, en effet, la SNCF a tenté à plusieurs reprises de prendre le contrôle de Novatrans. Mais les actionnaires, qui représentent les routiers, se sont mis vent debout contre cette perspective : pour eux, Novatrans, qui a toujours été un outil commun aux modes routier et ferroviaire, ne peut devenir la propriété de la SNCF. Finalement, l’OPA sur Geodis au printemps 2008 a fait capoter le projet de pacte d’actionnaires qu’avait concocté la société nationale avec le groupe Norbert Dentressangle, également actionnaire de Novatrans, pour asseoir sa domination. Geodis étant un concurrent direct de Norbert Dentressangle, le pacte s’est rompu.
D’où des tensions persistantes sur le mode de gouvernance de Novatrans. Et le sentiment chez certains syndicalistes que tôt ou tard un des deux camps finira bien par l’emporter. « Même si les comptes sont mauvais, Novatrans maîtrise la technique. L’entreprise est bien implantée sur le territoire et représente quand même un outil face à la concurrence. En cas de nouvelle augmentation de capital, la SNCF pourrait avoir les reins plus solides que les routiers… Avec, à la clé, un projet industriel plus vaste », analyse-t-on du côté syndical.
Marie-Hélène POINGT