C’était il y a 150 ans : la première exposition des « Impressionnistes » se produisait dans les studios Nadar, boulevard des Capucines à Paris, du 15 avril au 15 mai 1874. Cézanne, Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Sisley, Courbet et d’autres y présentaient leurs toiles et lançaient officiellement un nouveau mouvement pictural en rupture avec l’art académique.

A l’occasion de cet anniversaire, Albane Penaranda, productrice des Nuits de France Culture, propose un voyage en dix épisodes dans les archives de Radio France pour revenir sur 120 ans d’histoire du musée d’Orsay, de la gare prestigieuse du P.O. à ce haut lieu de culture aux quatre millions de visiteurs annuels, qui a aussi été dans le passé, un camp de réfugiés, un théâtre et même un parking !

Depuis sa transformation, l’ancienne gare est devenue, dans les années 80, le grand musée de la capitale que nous connaissons aujourd’hui, dédié aux arts de la seconde moitié du XIXe siècle. Il accueille la plus grande collection de toiles impressionnistes et postimpressionnistes de la planète.

Albane Penaranda a sélectionné de nombreuses archives qui éclairent les auditeurs sur le long combat pour le sauvetage du bâtiment, la transformation de la gare en musée et son importance dans le paysage culturel de la capitale. De nombreux témoins de premier plan reviennent sur cette histoire complexe. En 1986, l’émission «Les arts et les gens» propose quatre épisodes sur l’histoire de la gare. Marie-Laure Crosnier- Leconte, responsable de la documentation en architecture du Musée d’Orsay, y retrace d’abord la longue histoire du site et la lente urbanisation du quartier. En 1838, le Palais d’Orsay ouvre ses portes et abrite notamment la Cour des Comptes. L’incendie du bâtiment pendant la Commune dans la nuit du 23 au 24 mai 1871 offre un vaste espace au coeur de Paris. Une aubaine pour la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.) qui recherche alors une gare terminus plus prestigieuse que la gare d’Austerlitz.

La gare d’Orsay a été construite dans un temps record pour accueillir les visiteurs de l’Exposition universelle de 1900. A la fin du mois de mai, les premiers trains y circulent sans même qu’on ait eu le temps d’organiser une réelle cérémonie d’inauguration. Une gare ultra-moderne à l’époque, complètement électrifiée, édifiée dans le coeur de la capitale, desservie par une ligne souterraine électrifiée de plus de 3 km permettant de la relier la gare d’Austerlitz.

Elle devient ainsi la première gare parisienne à ne pas être perpétuellement envahie de fumées ! Elle ne restera ouverte au trafic grande ligne que quelques décennies car, dépassée par l’augmentation du trafic et l’augmentation de la longueur des trains, elle est rapidement fermée (plus tard, les trains du RER C circuleront sous le musée). Ancien directeur du cabinet de Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles de Georges Pompidou et ancien PDG de RTL, Jacques Rigaud est également le premier président de l’établissement public chargé de la mise en place du musée d’Orsay, poste qu’il occupe entre 1981 et 1987. Le haut fonctionnaire a suivi le projet depuis sa genèse. Il revient au micro de Pierre Descargues sur les dessous du sauvetage de la gare, promise à la destruction. En février 1971, un permis de construire d’un hôtel en lieu et place de la gare désaffectée avait été accordé. Jacques Duhamel refuse de donner son accord. La gare n’est pas protégée et c’est surtout pour préserver le quartier qu’Orsay est sauvée. Selon Jacques Rigaud, un long cheminement a permis de transformer le lieu de transport en musée, une idée folle qui a une « multiple paternité » pour reprendre ses termes. Jacques Rigaud raconte également comment il a pu, à l’occasion d’un déjeuner à l’Elysée, exposer au Président de la République l’idée de transformer la gare en musée, Georges Pompidou lui répondant : « Ce n’est pas idiot votre truc ! »

Les initiateurs et les architectes du projet sont aussi conviés au micro de Pierre Descargues. Jean Jenger, directeur de l’établissement public du Musée d’Orsay et les architectes Renaud Bardon et Jean- Paul Philippon expliquent le défi que représente ce changement d’affectation radical et les problématiques liées à la réhabilitation des bâtiments anciens pour des usages contemporains. Le nouveau lieu ne s’est pas construit contre l’ancien et le caractère ferroviaire a été préservé.

Lucien Attoun rencontre Jean-Louis Barrault en mars 1974 deux heures avant l’inauguration du théâtre éphémère qu’il a créé dans la gare désaffectée pour accueillir sa compagnie Renaud – Barrault. A cette occasion, il propose aux spectateurs la 150e représentation d’Harold et Maude avec Madeleine Renaud. L’homme de théâtre conte notamment la bonne relation qu’il entretient avec le chef de la gare d’Orsay qui est « absolument adorable »…