La concession confiée à Lisea est fortement critiquée : elle se traduirait par des coûts de péages élevés demandés à la SNCF, contrainte de faire circuler un nombre élevé de trains quel que soit le taux de remplissage, et par un risque réel de faillite si les recettes de l’exploitation de la ligne ne sont pas assez élevées. Un montage imaginé à une époque où les BlaBlaCar et autres cars Macron n’avaient pas encore fait leur apparition.
Plus jamais ça ! Si on écoute les responsables de la SNCF, le modèle de concession mis en place pour réaliser la ligne à grande vitesse Tours – Bordeaux ne devrait plus jamais être utilisé à l’avenir pour lancer un nouveau projet ferroviaire.
En cause, selon eux, les péages très élevés qui vont être demandés aux exploitants de train (pour le moment à la seule SNCF), péages qui doivent servir à la fois à rembourser les sommes engagées pour construire l’infrastructure et à rémunérer le concessionnaire privé et ses actionnaires.
Ces redevances seraient au moins deux fois plus élevées que celles pratiquées habituellement. Or, la hausse de trafic attendu sur la ligne par la SNCF (+12 % vers 2019) ne suffira pas à payer la hausse du prix de l’infrastructure. Il faut d’ailleurs tenir compte que, chaque année, les péages sont appelés à augmenter, de 3,5 % par an en plus de l’inflation, conformément à ce qui est prévu dans le contrat signé pour 44 ans.
« Les dispositions tarifaires du contrat de concession ont été approuvées par l’Arafer qui veille à leur bonne application par Lisea. De plus, ces tarifs ne sont pas calculés comme sur d’autres lignes : ils sont déterminés en fonction de l’emport théorique des trains qui circulent. Que les trains soient pleins ou vides, ils paient le même prix. Et plus le train est capacitaire, plus il paie cher. Alors que pour circuler sur Eurotunnel par exemple, on prend en compte le nombre de passagers transportés pour calculer le montant de la redevance », explique Hervé Le Caignec, le président de Lisea. D’où la polémique engagée pendant plusieurs mois entre SNCF Mobilités et le concessionnaire de la liaison Tours – Bordeaux sur le nombre de trains appelés à circuler sur la LGV.
Polémique close par l’ancien secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, qui avait tranché en donnant satisfaction à Lisea et aux élus face à la SNCF : celle-ci va finalement offrir 33,5 dessertes chaque jour sur l’axe SEA (dont 18,5 allers-retours directs entre Paris et Bordeaux). Et annonce qu’elle perdra pas loin de 200 millions d’euros annuels…
« Ce système peut aboutir à faire vivre Lisea, au détriment de la SNCF qui perdra de l’argent », résume l’économiste Yves Crozet. « En augmentant la fréquence des trains, on peut augmenter la rentabilité de l’axe. Il est difficile de prédire le bon équilibre. Il faut espérer que les fréquences mises en place permettent d’attirer plus de monde », souligne de son côté Hervé Le Caignec.
Deuxième critique contre le système de concession : le risque de faillite si les recettes ne sont pas aussi élevées qu’espérées. Un risque qui serait au bout du compte en partie assumé par la collectivité.
« Alors qu’un système de partenariat public-privé (PPP), comme celui mis en place sur la LGV BPL, assume uniquement les risques liés à la construction de l’ouvrage et à la maintenance, le système de la concession comme celui de Lisea assume aussi le risque trafic. C’est un pari extrêmement risqué. Il faut donc que les prévisions de trafic soient solides. Le trafic potentiel de Lisea semble toutefois relativement important. Au bout d’un an, on commencera à avoir une idée », estime Yves